Les Twin Towers sont encore debout et les Ben Laden sont des entrepreneurs prospères.
Est-ce là un scoop de mauvais goût? Une vision du passé?
Non, c'est aujourd'hui et c'est à Dubaï, petit émirat créateur d'un nouveau monde, Rome moderne éprise de gigantisme, au coeur d'une péninsule jusqu’alors connue pour son conservatisme religieux.
Le ciel est gris, la chaleur est écrasante. La ville n'est pas faite pour le marcheur et encore moins pour le photographe. Un voile semble envelopper l'atmosphère en permanence. Les clichés sont fades et manquent de relief. Les levers matinaux et les attentes tardives n'y changent rien ; Dubaï, sans aspérité, semble étrangère aux ciels azuréens.
Ici, et c'est un paradoxe qui résume bien la situation étonnante de cet eldorado oriental, le pétrole est moins cher que l'eau. On boit donc son verre jusqu'à la dernière goutte et souvent on ne le remplit pas seulement avec de l'eau. L'alcool s'affiche sans complexe dans cet étrange espace de tolérance qui apporte comme une petite bouffée d'oxygène à une société musulmane étouffée par tant d'interdits.
On ne voit guère de policiers dans cette ville sans histoire où chacun semble demeurer à sa place. Les visages que l'on croise sont indiens, philippins, pakistanais, indonésiens, égyptiens, russes, croates... Plus de 200 nationalités cohabitent dans une indifférence polie. De petites affichettes, collées dans les rues, proposent «des lits à louer» pour des travailleurs étrangers, en prenant soin de préciser la nationalité des possibles prétendants. On travaille et l’on s'entasse en rêvant de faire fortune.
Les Emiriens ne représentent que 20% de la population et l’on en vient même à se demander parfois si ces derniers existent vraiment. De temps à autre, pourtant, on aperçoit dans les «shopping malls» un petit groupe de femmes vêtues de l'abaya noire, débordantes de bijoux et de futilité. Les hommes ont eux fière allure avec leur longue galabiya blanche et leur coiffure traditionnelle impeccable. Avec leur barbe de trois jours, leur goût prononcé pour les parfums forts et subtils, ils ressemblent à des Italiens se rendant à une soirée déguisée.
Le touriste est abasourdi par tant de luxe et de confort. Il se laisse séduire par ce grand supermarché à ciel ouvert et semble se conformer à la devise subliminale du petit émirat : Dubaï, do and buy!